Comment gérer le « déni » de la personne qui souffre de TCA ?


Le déni c’est nier que l’on a un problème, que l’on met sa vie en danger, que l’on a modifié significativement ses conduites alimentaires, que l’on maigrit …

Le déni fait partie de la maladie !

Dans l’anorexie, contrôler son alimentation et son poids est tellement nécessaire que la personne est sincère quand elle dit qu’elle se trouve bien avec 10, 15 ou 20 kilos de moins que son poids habituel. Dans la boulimie, la personne est plus souvent consciente que quelque chose ne va pas mais elle a tellement honte du symptôme (manger à outrance, voire se faire vomir) qu’elle ne peut en parler durant de très longues périodes. Elle a même souvent du mal à le penser.

Une des étapes importantes vers la guérison mais aussi sans doute la plus difficile est l’étape où la personne souffrant d’un TCA va pouvoir se dire puis dire à un autre : « J’ai un problème, je souffre » puis : « Je ne m’en sors pas toute seule, j’ai besoin d’aide ». C’est là que le travail de psychothérapie peut prendre sa place et que le chemin vers la guérison va s’amorcer.

Un défi pour l’entourage :

Un des plus grands enjeux de l’entourage, familial ou médical, va donc être d’accompagner la personne qui souffre de TCA jusqu’à ce point de prise de conscience et de reconnaissance du trouble.

Trois écueils à éviter :

  • Se laisser enfermer dans le déni On ne voit rien. Parfois des familles entières, voire des médecins, sont pris dans le discours « délirant » de la personne souffrant d’anorexie, incapables de voir que l’état de santé se dégrade, que les choses ne s’améliorent pas et que la vie est menacée. C’est la force redoutable de cette maladie que de pouvoir parfois embarquer tout le monde dans la même négation de la réalité.
  • Se laisser enfermer dans le non dit et dans le secret On voit mais on ne dit rien. Ce n’est pas parce qu’une personne boulimique a honte de ses pulsions qu’il faut faire comme si on ne voyait rien. Il faut avec le plus de délicatesse possible, dire ce que l’on a vu ou compris et en fonction de ce qui est possible, orienter vers un professionnel, une association d’entraide, une ligne d’écoute … Briser le tabou est un acte essentiel. Si quelqu’un peut en parler avec bienveillance, même maladroitement, c’est que ça peut exister et qu’on n’est pas un monstre …
  • Se laisser enfermer dans une lecture logique ou morale du déni Ne voir que manipulation, mensonge ou manque de volonté ou dans un affrontement où l’un aurait raison, l’autre tort. Une anorexique qui dit que tout va bien, croit et pense profondément ce qu’elle dit. On peut même affirmer qu’au début de l’apparition des troubles, elle va beaucoup mieux avec son trouble que sans. Inutile donc de la traiter de manipulatrice ou de chercher à la convaincre qu’elle a tort … Ça ne sert à rien.

Trois axes de conduite possibles :

  • Il importe de rester ferme sur ce que l’on voit et ce que l’on vit : « Je vois que tu as perdu beaucoup de poids », « Je suis inquiet(e) et je crois que tu te mets en danger », ce qui permet en tant que parent, conjoint ou ami d’être ferme sur la nécessité de faire un bilan de santé par exemple. ‟Je ne suis pas maigre, je me sens pas bien …” Ce ‟Ce n’est pas parce que je ne mange pas comme tout le monde que j’ai un problème.” Janvier 2012 Enfine Intermède numéro 16 4
  • On peut aussi si la relation est bonne, écouter et questionner le sens de cette conduite : « Qu’est ce que tu cherches à nous dire? », « Comment tu te sens avec 15 kilos en moins? », « En quoi c’est mieux? ». Même s’il n’y a pas de réponse claire, on ouvre un espace où le symptôme est « entendable », et donc, peut perdre de sa virulence. On peut aussi, de façon paradoxale, demander de l’aide à la personne : cela évite de la stigmatiser (« Elle est malade, les autres vont bien ») et permet de créer les conditions d’une alliance : « Nous avons un problème, aide moi à comprendre ».
  • Et puis, sans chercher à convaincre, une bonne option est de stimuler l’accès à l’expérience de personnes qui ont connu des troubles : Livres témoignages, lignes d’écoute, groupe de parole … ce sont souvent dans ces échanges avec d’autres anciens malades que le déclic va pouvoir se faire.

 

Un parcours parfois très long : Le fameux déclic, c’est ce passage étroit où on va pouvoir envisager de renoncer au symptôme et se mettre en quête d’une autre façon de gérer sa souffrance et sa difficulté de vivre. Ce passage est difficile parce qu’il consiste à renoncer à une conduite qui a été opérante à un moment donné, pour s’engager dans une quête incertaine et souvent bien longue. Il faut beaucoup de courage pour faire ce choix de renoncer au connu. C’est pourquoi la phase de déni peut être parfois si longue … Dernier conseil donc à l’entourage et aux malades : armez-vous de patience et gardez espoir !